Il y a longtemps, ma mère biologique racontait une histoire-énigme : « Pierre avait un couteau. La lame a cassé, alors il a changé la lame. Le manche a cassé, alors il a changé le manche. Tout a été remplacé. Est-ce toujours le couteau de Pierre ? » J’étais baba.
Aujourd’hui, j’applique cette idée à mon rétablissement : le rétablissement, c’est de faire autrement. Autrement.
Quand je suis arrivée en AA, il y a 28 ans, volonté déchaînée et hypervigilance étaient mon exosquelette soutenant ma survie au quotidien, et le vin était devenu ma seule façon d’éviter le passage à l’acte suicidaire, brisée que j’étais par ma non-maternité et le naufrage de mon couple. Par la grâce de « Dieu, tel que ne le conçois PAS » (tordu, non ?!), j’ai appris, 24 heures à la fois, à remplacer la honte d’être alcoolique par la fierté d’être abstinente. Remplacement.
J’ai découvert un proverbe chinois qui m’a galvanisée : « Ce que la chenille appelle mort, le reste du monde l’appelle papillon ». Je me sentais chenille écrabouillée, réduite en bouillie… mais chaque année, au moment de partager des gâteaux à ma réunion d’anniversaire, j’ai utilisé ce moule à gâteaux en forme de papillon, comme symbole d’espoir qu’un jour, peut-être, je pourrai me sentir devenue papillon. Métamorphose.
Quand je suis arrivée en SIA, il y a 8 ans, j’ai découvert que je pouvais m’efforcer de devenir survivante, et non plus victime. Heureusement, j’avais enfin trouvé une notion plus crédible de ma Puissance Supérieure. M’entendant partager, une amie s’est écriée : « Tu es en train d’accoucher de toi-même ! » Accouchement tellement long, difficile, douloureux !!! A l’opposé de « l’empêchement d’être » causé par l’abus (expression de la CIASE ou « Commission Sauvé »). Travail toujours en cours. Naissance à moi-même.
Pendant ce temps-là, en Al-Anon, DAA et CODA, j’ai appris qu’« il ne m’est plus nécessaire de soutenir une autre personne pour me prouver que j’ai de la valeur » ; j’apprends à substituer « prendre soin » des autres ET de moi à « prendre en charge » tout le monde sauf moi ; à proposer, si et quand je peux, du soutien au lieu d’un sauvetage compulsif codépendant… Tâches de toute une vie ! Remplacements.
Et en ACA/EADA, mes objectifs sont maintenant clarté d’esprit, paix intérieure et sobriété émotionnelle. Dans mon travail d’Etapes, je me débats encore avec les 1ère et 2ème étapes, mais j’espère qu’un jour je comprendrai mieux ce que signifie de prier ma Puissance Supérieure de m’aider à « intégrer mes traits de survie et éliminer mes défauts de caractère ». L’œuvre d’une vie, là aussi ! Une « métamorphose existentielle », comme disait Jung : du genre qui t’incombe quand tu t’es fait écrabouiller à mort.
Remplacement ? Métamorphose ? Accouchement (de moi-même) ? Que je me sente (le plus souvent) comme une chenille écrabouillée ou (parfois) papillon, je suis comme le couteau de Pierre : presque tout est à changer, mais c’est encore moi. Moi en cours de rétablissement.
Essayant d’accoucher… de mon Vrai Moi. Merci ACA/EADA !
Translation below was provided by the author
Replacements and Metamorphosis
Long ago, my biological mother used to tell a tricky story: “Peter had a knife. The blade broke, so he changed the blade. Then the handle broke, so he changed the handle. All has been replaced. Is it still Peter’s knife?” I was puzzled.
Nowadays, I apply this idea to my recovery: recovery is acting differently. Differently.
When I first joined AA, 28 years ago, iron will and hypervigilance were my exoskeleton sustaining my everyday survival, and wine had become the only way I had found to avoid committing suicide, heartbroken as I was because of my non-motherhood and marriage wreckage. Thanks to “God, as I DON’T understand God” (tricky, isn’t it?!), I learned, one day at a time, to replace the shame of being an alcoholic by the pride of being a total abstainer. Replacement.
I discovered a Chinese proverb that triggered me: “What the caterpillar calls death, the rest of the world calls butterfly”. I felt myself as a deadened, squashed caterpillar… but every year, when sharing cakes after my anniversary meeting, I used this cake tin in the form of a butterfly, as a symbol of hope that one day I would perhaps feel myself become a butterfly. Metamorphosis.
When I joined SIA, 8 years ago, I discovered I could strive to become a survivor and no more a victim. Luckily, I had at last found a more credible notion of my Higher Power. Hearing my share, a friend of mine exclaimed: “You’re giving birth to yourself!” Such a long, difficult, and painful delivery!!! At the opposite of the “being hindrance” caused by abuse. Labor still in progress… Childbirth.
Meanwhile, in Al-Anon, DAA and CODA, I learned that “it is no more necessary for me to support someone else in order to prove to myself I have some value”; I am learning to substitute “taking care” of others AND me for “taking charge” of everybody except me; to offer support, if and when I can, instead of being a codependent compulsive rescuer… Lifelong tasks! Replacements.
And in ACA/EADA, my goals are now clarity, inner peace, and emotional sobriety. In my Step Work, I am still struggling with 1st and 2nd Steps, but I hope one day I will better understand what it means to ask my Higher Power to help me “integrate my survival traits and remove my defects of character”. A lifelong task, too! An “existential metamorphosis”, as Jung said: the one you’re bound to undergo when you have been crushed to death.
Replacement? Metamorphosis? (Self)-childbirth? Whether I feel myself (most often) as a crushed caterpillar, or (sometimes) becoming a butterfly, I am like Peter’s knife: nearly all has to be changed, but it is still me. A recovering me.
Trying to give birth… to my True Self. Thanks to ACA/EADA!
Geneviève R.
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