On m’avait fait gober que j’étais handicapée psychique, porteuse d’une maladie mentale d’origine génétique.
En vrai, l’origine de mes symptômes n’était pas dans les gènes, mais bien dans la gêne. La honte. Le marécage familial, où la tolérance à l’abus est telle qu’on ne le ressent plus comme tel, qu’on ne peut même plus y croire… Mes pulsions suicidaires d’autrefois n’étaient que la mise en acte de l’injonction latente à sombrer sous le poids des projections familiales, à ne pas exister autrement qu’innommable, bouc émissaire, « patient désigné ». Eponge à émotions. Paratonnerre à dysfonctions.
Plus je me suis débattue dans ce marécage, plus je m’y suis enfoncée, participant sans rien y comprendre à ce mouvement d’agrippement l’un à l’autre alternant fusion et abandon, comme un ludion.
La psychiatrie sourde et aveugle m’a gavée de psychotropes zombifiants et suicidogènes, et répété, en lavage de cerveau, le discours familial : il n’y a aucun problème, c’est moi le seul problème.
La négation de l’abus fait partie de l’abus, et le renforce.
Beaucoup de professionnels du bien-être ont tant voulu m’imposer leur vision du « bien » qu’ils m’ont, eux aussi, encore davantage empêchée d’être.
Et l’injonction au pardon n’est qu’une forme subtile de silenciation.
Survivre. Malgré le déni ou grâce au déni ?
Sortir du marécage, ça commence par sortir de cette confusion, trouver des points d’ancrage : ils sont rarissimes. D’où la nécessité vitale de s’appuyer, grâce aux Fraternités en 12 Etapes, sur un PASS : Puissance Aimante Supérieure et Sécurisante.
Se barrer pour sauver sa peau.
Sortir de « l’impuissance apprise » (cf l’expérience de Seligman) : nécessité d’un ré-apprentissage, avec l’aide de tiers protecteurs/médiateurs, et ça passe par le corps. Le corps qui a encaissé, stocké l’innommable en silence, jusqu’à s’exprimer des décennies après, par symptômes physiques et brusques sorties d’amnésie.
Capituler : la seule issue est de re-traverser.
Débrancher le « radar spécial » qui fait que je n’attire et ne suis attirée, involontairement et inconsciemment, que par d’autres vilains petits canards comme moi, sombrant dans de semblables marécages.
Trouver un espace sûr où recoller les morceaux de mon identité explosée.
Parler, parler vrai… encore faut-il trouver un lieu où pouvoir le faire !!! Nommer l’innommable.
Pour oser évoquer l’innommable, il me faut rester anonyme, tant la parole vraie est interdite chez nous, depuis des générations : seules comptent les apparences. Loi des secrets et des non-dits.
L’inceste est une ambiance, l’inceste est un contexte. Même dès mes plus jeunes années, l’abus sexuel n’était « que » la conclusion, le glauque aboutissement, la suite logique des abus verbaux, émotionnels, psychologiques, physiques, la cerise sur le gâteau.
Quel « gâteau » ! C’est pas de la tarte !
Translation below was provided by the author
Getting Out of the Swamp
I had been told and retold that I was psychically handicapped, suffering from a genetic mental illness.
In fact, the origin of my symptoms was not in my genes, but in uneasiness. Shame. The familial swamp, where tolerating abuse is so common that there is no more awareness of it, and the very idea of abuse seems no more credible… My former suicidal impulses were only the palpable consequences of the covert injunction to get drowned under the weight of what was projected on me, to exist exclusively as the unspeakable one, the scapegoat, the so-called mentally ill. A kind of sponge absorbing everyone’s bad feelings. A lightning conductor attracting every dysfunction.
The more I struggled in that swamp, the more I sank profoundly into it, participating without understanding anything in those mutual grips alternating merging and abandonment, like a Cartesian diver.
Deaf and blind psychiatry stuffed me with pills making me a suicidal zombie, and told and retold me, as a brainwashing, the familial discourse: there is no problem, I am the only problem.
Denial of abuse is part of the abuse, and enforces it.
A lot of well-being professional workers wanted so much to impose on me their idea of “well” that they, too, prevented me even more from being.
And the injunction to forgive is just a subtle form of the injunction not to talk.
Surviving. Despite denial or thanks to denial?
Getting out of the swamp begins with getting out of that confusion, finding anchoring possibilities: they are so rare! Hence the vital necessity, thanks to 12-Step Fellowships, to find HELP: a Higher Enough Loving Power.
Flying away, to save one’s life.
Getting out of “learned helplessness” (see Seligman experiment): necessity of some re-learning, aided by a third party, protective/mediator, and it concerns the body. The body, which endured, stockpiled silently the unspeakable, until it expressed itself decades after, by physical symptoms and sudden breakings of amnesia.
Surrendering: the only way out is through.
Disconnecting the “special radar” that makes me attract and be attracted only by other ugly ducklings like me, sinking into similar swamps.
Finding a safe space where I may get back together the exploded parts of my identity.
Speaking, speaking truth… but having to find places where it is possible!!! Speaking the unspeakable.
In order to venture to evoke the unspeakable, I must stay anonymous, so forbidden is true speech at home, for generations: appearances only matter. A law of secrets and untold stuff.
Incest is an atmosphere, incest is a context. Even from my youngest years on, sexual abuse was « only » the conclusion, the glaucous ending, the logical following of verbal, emotional, psychological, physical abuses. That takes the biscuit!
Yuck! Not a piece of cake!
Geneviève R